Nous publions la lettre que vient d'envoyer Jean-Marc Meyniel, président du groupement Caseo à Edouard Philippe, premier ministre, monsieur Bruno Lemaire, ministre de l’économie et des finances et Muriel Penicaud, ministre du travail.
"Je tiens tout d’abord à vous exprimer mes remerciements tant je trouve remarquables les décisions que vous prenez pour défendre les entreprises et les entrepreneurs. Prêts garantis, reports de charges, chômage partiel facilité et revalorisé... je me réjouis de la chance que nous avons de traverser cette crise dans un pays comme la France, et de pouvoir compter sur votre gouvernement et sur l’ensemble des mesures que vous avez prises pour soutenir nos sociétés, et ainsi les emplois de nos salariés.
Je dirige un groupement composé de 80 revendeurs / installateurs de menuiseries indépendants. Ce sont de petites entreprises qui emploient chacune 6 à 20 salariés ; notre groupement permet de donner de l'emploi à quelques 800 salariés et plus de 150 sous- traitants, majoritairement dans des petites villes et communes. Les produits que nous installons et revendons proviennent quasiment tous de fabricants français (plus de 90 industriels français de toute tailles nous servent), et notre statut d'acteur local de la rénovation n'est pas délocalisable : toute notre filière fait travailler de la main d'œuvre française. Notre activité se compose d’une multitude de chantiers de rénovation énergétique des menuiseries, installation de stores, de portails, de pergolas bioclimatique, de volets, etc... Comme beaucoup d'autres, notre activité s'est brutalement arrêtée le 16 mars. Nous avons dû fermer nos points de vente à notre clientèle du grand public, et stopper nos chantiers en cours.
Nous avons ensuite compris que vous nous demandiez de reprendre notre activité de pose tout en sécurisant nos salariés et nos clients. Au contraire d'autres courants de pensée, je ne désapprouve pas cette position : l'activité du bâtiment ne peut pas s'arrêter, elle doit en revanche mettre en œuvre des process permettant d'assurer la protection de ses hommes et femmes. C'est dans ce cadre que nos syndicats professionnels ont fourni un travail exceptionnel et très rapide afin de rédiger les process précis les plus stricts permettant de reprendre à la fois la production industrielle et la mise en œuvre des produits sur les chantiers. Aujourd'hui, les usines de production de menuiseries ont donc entamé petit à petit la reprise leur activité, et il est possible de s'approvisionner pour les commandes que nous avons pu enregistrer avant le confinement. Il est également possible d'installer ces produits sur les chantiers chez nos clients.
Mais toute cette énergie à relancer la filière aura été totalement vaine si vous ne nous autorisez pas à reprendre une activité commerciale. Nous sommes en train de vider notre carnet de commandes, et à défaut de pouvoir le renouveler, toute l'activité s'arrêtera sous quelques semaines.
A quoi bon permettre aux usines de produire si nous n'avons pas de nouvelles commandes à leur envoyer. Un second arrêt quelques semaines après le premier pourrait être fatal à nombre de structures.
Les produits que nous vendons et installons sont tous totalement sur mesure, ils ne peuvent être vendus que par des technico-commerciaux au moyen d'une mise au point en magasin puis sur le chantier, c’est même une obligation pour les produits entrant dans la démarche RGE ; il s'agit ensuite de transmettre ce besoin à un industriel français qui mettra cinq à six semaines pour le produire et nous le livrer.
Messieurs, nos magasins ont des surfaces moyennes de 200 à 300 m2, ils y accueillent dans le meilleur des cas une dizaine de personnes par jour, il est alors extrêmement simple d’y sécuriser la démarche commerciale et de faire en sorte que la distanciation à la fois des salariés et des clients soit assurée.
Ne nous mentons pas, la vente de menuiseries ne relève pas d'un secteur dit 'essentiel' au sens où vous l'avez défini, mais comment interpréter qu'un caviste ou qu'une jardinerie par exemple soient, elles, autorisées à accueillir du public dans des conditions bien moins sécurisables que celles que notre activité commerciale le permet ?
Ce maillon de la chaine du bâtiment que nous représentons est quant à lui essentiel si vous souhaitez que l’activité du bâtiment et de la rénovation énergétique reprennent.
Nos chefs d'entreprise concessionnaires sont responsables et prudents : ils cherchent avant tout à assurer la protection de leurs salariés, mais également à leur assurer de pouvoir conserver leur emploi parce que leur entreprise aura su traverser cette épreuve inédite et tellement déstabilisante. Malgré les aides importantes que vous nous accordez, certains d’entre eux ayant lourdement investi récemment seraient amenés à disparaitre si un redémarrage ne se faisait pas très rapidement.
J'espère, messieurs les ministres, au moyen de cette lettre, vous avoir sensibilisés à l'enjeu de nous laisser reprendre notre activité commerciale avec toutes les précautions qui s’imposent.
Je vous souhaite bon courage pour continuer votre action. Recevez, messieurs, l'expression de mes salutations respectueuses ».
Arras, le 11 avril 2020, Jean-Marc Meyniel, président du groupement Caseo (www.caseo-maison.com)