Je ne reviendrais pas, dans cet éditorial, sur l’obligation qu’il y a à œuvrer pour construire “écologiquement correct” mais, quand même, lorsque l’on sait qu’en France, la construction de logements passifs demande un investissement d’environ 1500 euros par m² shon, on se demande si finalement il ne s’agit pas d’un luxe, à l’heure où la principale préoccupation de milliers de familles est plus de trouver un toit que du triple vitrage ?
Trop facile de mettre face à face la précarité face au logement et le coût d’une construction vertueuse sur le plan environnemental. Trop facile, certes, mais lorsque l’on voit qu’en France, de 2000 à 2010 l’indice du prix des logements a augmenté de 107 % en moyenne alors que l’indice des loyers et le revenu par ménage n’ont augmenté respectivement que de 27 % et 25 %, on peut se demander si l’argent qui s’est envolé dans la bulle spéculative immobilière n’aurait pas été mieux employé à poser des fenêtres à faible coefficient Uw !
Il est bien évident que lorsque l’on a acquis un terrain en Mayenne à des prix, il n’y a pas si longtemps réservés à Tokyo ou New York, il ne reste plus grand-chose au primo-accédant pour investir dans des VIR ou des menuiseries haut de gamme ; Et je ne parle même pas de la VMC double flux dont les prix sont aujourd’hui inversement proportionnels au niveau des technologies contenues dans ce système désormais indispensable à l’aération de nos maisons passives.
Même problématique en rénovation, où, après avoir acquis un appartement à 15 000 euros le m2 le “pauvre” parisien ne va certainement pas investir dans ses fenêtres, portes et volets. Au mieux il choisira l’entrée de gamme au pire il gardera ses vieilles fenêtres et ses vitrages “à bulles” qui ont connu au moins trois guerres !
On peut se demander si l’argent qui s’est envolé dans la bulle spéculative immobilière n’aurait pas été mieux employé
à poser des fenêtres à faible coefficient Uw !
Et pourtant, il serait si facile de construire ou rénover passif à moindre frais. Mais tant que, dans notre pays, on considérera cette démarche comme un moyen de récupérer des aides publiques et non pas comme une urgence autant environnementale que sociétale, la situation restera bloquée.
Et une fois de plus l’initiative va revenir aux entreprises du bâtiment qui vont devoir faire preuve d’ingéniosité, de sens technique et marketing, prises qu’elles sont entre un pouvoir d’achat déclinant, des aides publiques en berne et un besoin de logements endémique. En clair, il va falloir à moyen terme, voire à court terme, proposer au consommateur des menuiseries au coefficient Uw de 0,70 ou des portes d’entrées atteignant un coefficient Ud de 0,45 au prix des actuelles entrées de gamme. Vous allez dire que « c’est impossible » et que « la qualité ça a un prix » et vous aurez raison. Une Audi ne coûte pas le même prix qu’une Dacia (hélas !) et c’est techniquement expliquable mais une Dacia de 2012 contient probablement bien plus de technologies qu’une Audi de 1990. Donc, il ne reste plus à nos verriers et menuisiers qu’à inventer une Audi ramenée au prix d’une Dacia. Est-ce que ce sera un challenge plus difficile à relever que d’obtenir le maintien d’aides massives de l’état à la construction performante sur le plan environnemental ? J’en ai peur, tout comme j’ai peur que nous n’ayons plus un jour les moyens de nos ambitions. À vous, professionnels de la fermeture et de l’ouverture réunies de me faire mentir ! D’autant que le coût de l’énergie va augmenter de manière tellement phénoménale que les investissements, industriels comme publics, se rentabiliseront bien plus vite qu’on pourrait le penser.