Le début 2021 ressort marqué par une accélération certaine des prises de commandes.C’est notamment le cas en amélioration entretien, qui compte pour plus de 58 % de l’activité bâtiment. L’enquête réalisée par les Cellules économiques régionales de la construction pour le compte de la FFB révèle ainsi une progression du volume de chiffre d’affaires de 10 % au premier trimestre 2021. L’évolution ressort légèrement en retrait par rapport au premier trimestre 2019, ce qui montre que l’effet de la crise sanitaire pèse encore un peu.
Tel n’est toutefois pas le cas de la rénovation énergétique, segment en hausse de 10 % sur un an, comme l’ensemble, mais aussi de plus de 1 % sur deux ans.
Par ailleurs, l’évolution favorable de l’amélioration-entretien vaut principalement pour le logement. Il faut y voir le succès indéniable de MaPrimeRénov’, mais peut-être aussi l’effet du volume record des transactions dans l’ancien, avec près de 1,1 million de logements vendus sur douze mois à fin mars 2021, ainsi que des travaux provoqués par les phases de confinement et de télétravail de ces derniers mois.
Il n’en pas de même pour le neuf
Certes, côté logement, l’individuel accélère très nettement. Si l’on se réfère aux chiffres de 2019 pour éviter l’effet de base provoqué par le confinement du printemps 2020, les mises en chantier et permis progressent de 5 % et 15 % au premier quadrimestre 2021, alors que les ventes dans le diffus s’affichent à +17 %. La machine est donc relancée, même si l’on ne peut exclure une double anticipation derrière cette montée en régime : celle de la transformation des recommandations du HCSF en règlementation début juillet pour les accords de prêts, et celle de la RE2020 pour les permis signés à compter du 1er janvier 2022.
Toutefois, la tendance s’avère bien moins plaisante pour le collectif. Le redressement des mises en chantier d’environ 4 % par rapport au premier quadrimestre 2019 ne saurait masquer l’effondrement de 10 % des permis, en ligne avec celui des ventes et mises en ventes des promoteurs, respectivement à -4 % et -9 % entre les premiers trimestre 2019 et 2021.
Plus en détail, les données officielles montrent que la crise de la production de logements se concentre clairement sur le collectif en zones réputées tendues, soit les zones A et B1, où les permis reculent de 7 % par rapport au premier quadrimestre 2019, soit 6 900 logements autorisés de moins. Tous les autres segments s’affichent en hausse, y compris le collectif en B2 et C qui ressort à +9 %. La densification des zones urbaines dynamiques peine donc à se traduire en réalité concrète ! La Commission Rebsamen, mise en place par le gouvernement, vient donc à point nommé et la FFB y portera des pistes de solution.
Le choc reste plus violent encore pour le non résidentiel neuf. Les surfaces commencées abandonnent 16 % au regard du premier quadrimestre 2019 ; les surfaces autorisées, 22 %. Il faut aussi noter que tous les segments du non résidentiel participent de ce mouvement, y compris la commande publique.
Au global, le neuf pèse donc bien sur la relance et en retarde les effets. C’est d’ailleurs la principale cause de la révision du PIB par l’Insee pour le premier trimestre 2021 : il était anticipé à +0,4 % fin avril, il s’érode finalement de 0,1 % fin mai parce que les flux d’investissement en construction, attendus à +5,1 %, ressortent à seulement +0,6 %.
Entreprises : carnets de commandes et emploi se redressent, pas les marges
Pour autant, cette relance reste indéniable au regard des carnets de commandes, qui atteignent des niveaux records, toutes tailles d’entreprises confondues. Et cela vaut aussi pour l’emploi, puisque fin mars, le bâtiment affichait 48 000 postes de plus qu’au premier trimestre 2020, y compris intérim en équivalent-emplois à temps plein et que les perspectives d’embauche restent bien orientées.
Il faut toutefois signaler que l’amélioration globale côté activité et emploi ne se traduit pas franchement dans la rentabilité des entreprises. De fait, les Comptes nationaux trimestriels révèlent qu’après l’effondrement du printemps 2020, le relèvement des marges opérationnelles a cessé à la fin du troisième trimestre 2020 dans la construction, les maintenant bien en-deçà de leur niveau d’avant crise. Cela distingue d’ailleurs nettement le secteur des autres, notamment de l’industrie manufacturière qui a peu ou prou subi les mêmes contraintes.
Une analyse fine des données permet d’expliquer cela principalement par la reprise de l’emploi dans la construction. Il faut sans doute y lire aussi le début des effets de la crise des matériaux.
Deux menaces : sur la DFS et sur les matériaux, deux sujets lourds aujourd’hui
Le premier, l’emploi, parce que de nouvelles menaces se dessinent sur la Déduction forfaitaire spécifique (DFS). Il s’agit d’un abattement de 10% de l’assiette des cotisations de sécurité sociale pour les employeurs et les salariés, en contrepartie des frais supplémentaires liés à la mobilité de leur lieu de travail. On estime qu’elle bénéficie à 45 % d’ouvriers, 10 % d’Etam et 5 % des cadres du bâtiment. Pour mémoire, le gouvernement envisageait de la supprimer en 2019 et de récupérer ainsi près d’un milliard d’euros auprès des entreprises et de leurs salariés, mais nous avions réussi à limiter la casse. Il revient à la charge de façon plus insidieuse, avec la mise en ligne le 1er avril dernier du Bulletin officiel de la sécurité sociale (Boss), qui répertorie toute la doctrine administrative en matière de cotisations sociales. Or, ce Boss remet en cause plusieurs curseurs concernant la DFS, qui devient ainsi beaucoup plus complexe à mettre en œuvre, ce qui poussera nombre d’entreprises à y renoncer. La FFB demande instamment le retour au mode de calcul ex ante.
Le second sujet très lourd du moment reste le choc sur les matériaux. La FFB s’est déjà largement exprimée sur ce sujet, depuis les premières alertes du début février. On peut signaler que l’Insee confirme maintenant les hausses de prix. Dans ce contexte, certaines entreprises dénoncent des contrats signés car la perte qu’elles subiraient en réalisant le chantier sans révision de prix s’avèrerait plus forte que la pénalité qu’elles encourent en y renonçant. D’autres entreprises mettent réellement des salariés en congés ou en activité partielle, faute de matériaux pour réaliser les chantiers.
La situation ressort très tendue, dans la plupart des métiers et sur tout le territoire. Nous ne ne connaissons pas le terme de cette crise, mais savons qu’elle menace de stopper net l’amorce de relance constatée. D’où l’appel à la responsabilité de tous que nous avons diffusé très largement et les chartes que nous avons signées avec certains donneurs d’ordres.
Pour passer cette crise, nous demandons la mise en œuvre de la théorie de l’imprévision ainsi que la réactivation de l’ordonnance qui avait gelé les pénalités de retard sur tous les marchés et tout au long de la filière au printemps 2020. Nous demandons aussi un accompagnement plus fort à nos fournisseurs, afin de partager le risque et le choc sur les marges. Enfin, nous demandons au gouvernement la possibilité de recevoir immédiatement la créance d’impôt généré par un carry back, un crédit d’impôt proportionnel au poste « achat de matériaux » des entreprises et la prise en charge intégrale par l’État des coûts d’activité partielle en cas de rupture d’approvisionnement.
La conjoncture à fin juin 2021
Le logement neuf sort de l’ornière. De fait, par rapport au premier quadrimestre 2019 pour éviter l’effet de base lié au confinement du printemps 2020, les mises en chantier et permis s’affichent à +4,2 % et +1,0 %. Toutefois, l’individuel constitue le seul moteur de cette amélioration, respectivement avec +4,7 % et +15,4 % sur deux ans, et même +17,3 % pour les ventes en diffus. En revanche, le collectif peine toujours. Même si les ouvertures de chantier ressortent à +3,9 % sur deux ans, les permis chutent de 10,0 %, les ventes et mises en vente des promoteurs de 3,9 % et 9,4 %. À noter qu’il s’agit exclusivement d’une crise du collectif en zones A et B1 : la densification souhaitée peine clairement à trouver sa concrétisation.
Quant au non résidentiel neuf, il continue de souffrir. Par rapport au premier quadrimestre 2019, les surfaces commencées et autorisées s’effondrent respectivement de 16,0 % et 21,6 %. Tous les segments, sans exception, participent de cette chute.
Pour sa part, l’amélioration-entretien, qui représente 58 % de l’activité 2020 du bâtiment, s’en sort mieux. Hors effet prix, le chiffre d’affaires reste encore 2,0% en-deçà de son niveau du premier trimestre 2019, mais la rénovation énergétique, portée par le logement, le dépasse légèrement, à +1,3 %. Et les perspectives de printemps demeurent bien orientées dans la plupart des régions.
Au global, l’activité ressort en ligne avec nos prévisions, aux environs de +11 % sur un an, mais -5 % par rapport au début 2019. L’Insee le confirme d’ailleurs, tout en révélant des espoirs déçus dans la construction. De fait, la révision à la baisse du PIB du premier trimestre, anticipé à +0,4 % en volume mais affiché finalement à -0,1 %, s’explique majoritairement par celle des flux d’investissement en construction, attendus à +5,1 % mais ressortant à seulement +0,6 %.
Toutefois, compte tenu des reports de chantiers de 2020 d’une part, de la dynamique de l’amélioration-entretien d’autre part, les carnets de commandes restent bien garnis et l’emploi tient. Ainsi, sur un an, 48 100 postes ont été créés au premier trimestre 2021, dont 43 200 salariés. À l’horizon de l’été, les perspectives relatives à l’emploi salarié ressortent encore très bien orientées.
Côté entreprises, les trésoreries s’améliorent encore sur le début 2021, mais pas les marges, qui restent loin de leur niveau d’avant crise, à la différence des grandes autres branches (industrie manufacturière et services marchands). La principale raison réside dans la dynamique de la création d’emplois de la construction.
Enfin, les perspectives de prix bâtiment se redressent véritablement depuis le début du printemps, ce qui s’avère indispensable dans un contexte de forte hausse des coûts des matériaux. Elle se double de difficultés d’approvisionnement qui rendent la lecture des prochains mois difficile, tant en termes de prix que d’activité.