Verre & Protections : Jean-Pierre Lemetayer, vous êtes le nouveau directeur des filiales architecturales (Architectural Glass Manager France, Spain, Switzerland) d’AGC, avant d’entrer dans le vif du sujet pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ? Quel a été votre parcours professionnel ?
Jean-Pierre Lemetayer : « à 47 ans et après une formation supérieure à l’ESSEC, mon parcours professionnel s’est déroulé à 100 % au sein d’équipementiers industriels pour divers secteurs d’activités. J’ai entre autres travaillé pendant douze ans au sein de la branche verre plat du groupe Saint-Gobain et plus précisément dans une unité spécialisée dans les verres adaptés aux applications de transport. Ensuite, j’ai eu l’opportunité de participer au redressement de deux centres de profit dans l’industrie automobile et suis actif depuis octobre 2011 dans le groupe AGC ».
AGC a annoncé que son réseau de filiales était déficitaire en France depuis 2009. À quoi attribuez-vous ces difficultés ?
« En 2009, notre marché a connu une crise grave dont les effets n’ont pas tardé à se faire sentir, à savoir un net ralentissement de la demande, générant structurellement un déséquilibre important entre l’offre et la demande. Nos filiales architecturales sont donc confrontées désormais à un marché nettement “sur-capacitaire”.
Les années 2010/2011 ont laissé entrevoir une reprise qui s’est avérée d’une part encore trop timide et d’autre part très temporaire puisque depuis le début de l’année 2012 nous traversons une seconde vague de crise. En conséquence, les prix des verres transformés demeurent bas depuis 2009 alors que dans le même temps les entreprises sont encore affaiblies par les effets des baisses des volumes.
Plus spécifiquement pour notre Groupe AGC, le réseau des filiales de transformation en France est le fruit de la consolidation successive d’entités, issue des différentes étapes de l’histoire du groupe AGC. Il en a résulté un ensemble de 13 sites industriels et de service, de taille représentative, répartis sur toutes les régions françaises et actifs dans tous les secteurs de la transformation verrière ».
En quoi vont consister, en détail, les réorganisations des filiales AGC en France ?
« La conjoncture économique de 2012 présente pour nous l’opportunité de repenser la stratégie globale des filiales architecturales françaises en vue de donner à ce réseau la voie d’une croissance rentable et pérenne. À partir d’un nouveau réseau de dix sites ayant chacun des objectifs clairs et complémentaires, recentrés sur des marchés spécifiques et des offres produits adaptées et à forte valeur ajoutée, AGC améliore logiquement son écoute client et peut présenter des offres en adéquation avec les attentes exprimées par l’ensemble des acteurs (architectes, entreprises générales, menuisiers, installateurs,..), dans une approche structurée sur le marché de la transformation ».
Pouvez-vous nous donner des exemples de cette nouvelle organisation ?
« AGC IVB, notre site de Méry-sur-Seine (10) est dorénavant dédié au segment des menuisiers industriels dans la moitié Nord de la France et à celui des grands projets architecturaux sur la France entière. Pour cela, deux nouvelles lignes de production ont été installées qui, entre autres, permettent de produire des vitrages isolants de 6,00 m par 3,21 m.
AGC Vertal Sud-Est, site situé à Saint-Priest (69), est spécialisé dans les systèmes de verres structurels des gammes Structura et de garde-corps Balustra, dans la fourniture de mobiliers urbains ou d’équipements des marchés para-automobiles et enfin dans le BIPV SunEwat XL. AGC VSE a une dimension européenne sur les segments industriel et national dans les applications bâtiment.
La filiale AGC Vertal Ile-de-France, en région parisienne, est axée sur un service de proximité en vitrages isolants et en verres trempés, mais développe également toute une gamme de produits et services innovants dédiée aux agenceurs de tout type d’édifice ».
Cette réorganisation s’accompagne-t-elle d’évolutions fortes de l’offre ?
« Pour atteindre les objectifs fixés, le groupe AGC a décidé de diminuer le nombre de sites de transformation, afin de gagner en compétitivité, en qualité, délais de livraisons et performance industrielle : autant d’objectifs de service à valeur ajoutée, dérivés d’un positionnement clairement identifié de chaque filiale, d’un équipement industriel renforcé, en adéquation avec les attentes exprimées par les acteurs du marché ciblé. Pour ce faire, l’engagement du groupe AGC était nécessaire et il se traduit aujourd’hui par la politique d’investissements et l’amélioration de la gamme produits, venant soutenir sans faille le développement des filiales de transformation verrière en France ».
Pouvez-vous nous donner des exemples de ces évolutions ?
« AGC AIV, notre site à Fougères, consolide actuellement ses métiers de solutions en verres trempés thermiques dédiées aux marchés du bâtiment (verres structurels extérieurs) et aux applications industrielles (cloisons, transport hors automobile), mais AGC AIV a également spécialisé, en région ouest et Grand-Paris, la fabrication de ses vitrages isolants sur les solutions à forte valeur ajoutée, tels que les vitrages de protection feu, les façades vitrées tertiaires à haute technicité ou les doubles-vitrages destinés à certaines applications de transport.
AGC Soverso, proche d’Agen, développe actuellement un centre de compétence pour les produits feu et bénéficie de lignes d’assemblage spécialement étudiées pour les besoins des façadiers et des menuisiers dans la région du grand Sud-Ouest, alliant flexibilité et performance des outils pour la fourniture de doubles-vitrages sophistiqués, livrés à l’heure et conformes aux exigences qualité, propres à satisfaire les clients ».
Pourquoi avoir décidé d’arrêter partiellement les sites de Nantes et Niort et définitivement celui de Caen ? Pouvez-vous nous en dire plus sur les activités restantes au sein de AGC Glacisol et AGC Siglaver ?
En ce qui concerne nos sites de Niort et de Nantes, ils sont positionnés sur une zone particulièrement concurrentielle et les rendre plus compétitifs, dans le contexte, nous aurait contraints à de forts investissements qui auraient aggravé la surcapacité de la transformation verrière dans cette région.
Malgré tout, AGC souhaite rester un acteur dans le Grand-Ouest et continuer de bénéficier de sa bonne image de marque : c’est pourquoi, les deux sites d’AGC Glacisol à Nantes et d’AGC Siglaver à Niort se sont recentrés dorénavant sur les activités de travaux (réalisations de cadres aluminium et installations), permettant ainsi à ces deux sites de promouvoir des offres complémentaires sur le marché local, tout en organisant une réelle synergie de leurs ressources, dynamisant leur développement et permettant de servir des chantiers plus importants.
La conjoncture économique de 2012 présente pour AGC l’opportunité de repenser la stratégie globale des filiales architecturales françaises
La société AGC David Miroiterie, qui a rejoint le réseau des filiales architecturales d’AGC en septembre 2010, offrait alors quant à elle, l’avantage d’une forte implantation locale et d’une approche spécifique de la fourniture en doubles-vitrages, notamment via son entité David Services.
Cependant, la baisse du marché et la forte concurrence ont entraîné une forte baisse des prix, qui n’a pas permis à AGC David Miroiterie de renouer avec une rentabilité satisfaisante. Dans cette tourmente de marché très concurrentiel, la valeur ajoutée en services doubles-vitrages d’AGC David Miroiterie n’a pu trouver l’écho du marché propre à son redressement économique, ce qui a conduit à la fermeture du site.
Après la mise en place d’un plan social soucieux de l’avenir des employés de cette filiale, les nombreux équipements d’AGC David Miroiterie pourront participer au renforcement industriel des filiales demeurant dans le réseau France et venir ainsi compléter les investissements représentatifs agréés par le groupe AGC, pour offrir, via le réseau de filiales nouvellement consolidé, des solutions innovantes et compétitives à tous les clients des nombreux segments du marché architectural en France ».
Menez-vous des discussions en vue de cessions de certaines filiales restantes ?
« Non, la dimension actuelle du réseau constitué de dix sites de transformation et de travaux est la base du développement prévue dans les futures années : malgré l’atonie du marché, ce recentrage va nous permettre de renouer avec la croissance rentable de nos activités. La stratégie au sein du réseau architectural France est parfaitement en ligne avec la politique de la division bâtiment du groupe AGC en Europe. Cette division regroupe en effet les trois canaux de fourniture de solutions verrières pour les applications bâtiment, à savoir les produits de base, la distribution et les filiales de transformation qui occupent ainsi leur plein rôle dans cette organisation stratégique orientée vers la satisfaction des clients. Les filiales de transformation permettent de toujours mieux comprendre les attentes du marché en se rapprochant des clients finaux, elles permettent d’orienter le développement de solutions à valeur ajoutée, en améliorant l’écoute des besoins exprimés par les clients ».
Comment expliquez-vous que depuis plusieurs années les groupes verriers internationaux se désengagent peu à peu de leurs filiales de transformation alors que les transformateurs indépendants affichent pour beaucoup d’entre eux une assez bonne santé ?
« J’espère que la description des opérations stratégiques et industrielles expliquées ci-dessus démontre que la réorganisation entreprise au sein du réseau des filiales architecturales d’AGC en France est bien le contraire d’un mouvement de désengagement. Cette approche plus structurée représente plutôt le renforcement du rôle des filiales de transformation au sein de la division bâtiment du groupe AGC ».
Cette réorganisation de vos filiales françaises est-elle directement liée au projet d’AGC de réduire les capacités de production de ses fours de Moustier et Salerno ?
« Non, mais le développement des activités des filiales de transformation permet au groupe AGC de développer des débouchés pertinents de marché, et ainsi de participer à la demande afin d’atténuer les effets cycliques, très perturbants dans la gestion de production des floats ».
On constate que certains verriers accentuent leurs investissements vers les produits verriers à forte valeur ajoutée, autrefois réservés aux services de R&D et aujourd’hui commercialisés au même titre que du float ou du VI. Est-ce une voie dans laquelle AGC s’engage ? Cela veut-il dire qu’à terme “vendre du float 4 mm” ne sera plus rentable pour un verrier, sauf si des fonctions de plus en plus sophistiquées s’ajoutent au verre ?
« Il est évident que la vente de produits à valeur ajoutée est un axe essentiel pour le développement du réseau des filiales de transformation françaises. Elle est déjà bien engagée grâce à des gammes comme Structura, offre riche et à haute technicité ainsi que par la naissance de notre système de BIPV SunEwat. Dans les prochains mois, en sus des solutions produits, AGC démontrera à nouveau sa capacité d’innovation au travers de nouvelles technologies d’assemblage inédites ».