Dans notre précédente alerte info, nous vous avions présenté les grandes lignes du projet gouvernemental concernant le plan d’urgence pour la construction annoncé par François Hollande.
Nous vous proposons de décrypter les cinq aspects les plus importants de ce plan qui en compte vingt. L’intégralité de ces vingt mesures a été donnée aux journalistes accrédités par l’Elysée pour la visite du Président de la République hier à Alfortville. Nous proposons, en exclusivité aux lecteurs de Verre & Protections Mag de consulter ce dossier ici.
État des lieux
La construction de logements poursuit, début 2013, le ralentissement observé au cours de l’année dernière. En 2012, les ventes au détail de logements neufs ont baissé de 18 % par rapport à l’année 2011, et les mises en chantier, de 20 %. Les perspectives d’impact sur l’emploi sont inquiétantes.
Pour 2013, la Fédération française du bâtiment (FFB) prévoit 40 000 pertes d’emplois et une baisse du chiffre d’affaires de 3 % pour le secteur de la construction.
Un projet de loi urbanisme et logement dès le mois de juin prochain
Par ailleurs, le secteur du logement représente un important gisement d’emplois non délocalisables, tant directs (construction, rénovation, gestion) qu’indirects (équipement des logements, services associés, développement de la ville).
Investir dans le logement permet donc de répondre aux besoins des Français, de créer des emplois et de favoriser l’émergence des nouvelles technologies de construction et de rénovation nécessaires pour répondre au défi écologique.
Au-delà des mesures déjà prises pour relancer l’investissement (nouveau dispositif d’investissement locatif, prêt à taux zéro recentré sur les ménages modestes), le gouvernement a engagé un certain nombre de réformes structurelles et présentera d’ici juin 2013 un projet de loi urbanisme et logement.
Agir vite, par voie d’ordonnances
Les concertations organisées dans le cadre de l’élaboration du projet de loi “urbanisme et logement”, qui sera présenté en Conseil des ministres avant l’été, ont mis en évidence un certain nombre de freins à l’aboutissement des projets de construction de logements. Des mesures techniques, susceptibles de lever rapidement ces obstacles, ont été collectivement identifiées. Le gouvernement va donc utiliser la voie des ordonnances, procédure adaptée à la situation d’urgence que connaît le secteur. D’ici la fin de ce mois d’avril, il déposera au Parlement un projet de loi d’habilitation.
Les délais et la lourdeur des procédures sont pointés du doigt comme de véritables freins à la construction. L’outil de la déclaration de projet va donc être renforcé par voie d’ordonnance pour faciliter la réalisation d’opérations d’aménagement et de construction.
La concertation des citoyens et l’évaluation environnementale seront améliorées en amont. Ainsi, les différentes étapes des procédures applicables en matière d’urbanisme seront simplifiées et fusionnées, ce qui permettra de conserver un niveau d’exigence égal tout en gagnant du temps, en réduisant les coûts. Objectif : diviser par 3 les délais de procédure en moyenne.
Lutter contre les recours abusifs et réduire les délais de traitement des contentieux (mesure n°4)
Aujourd’hui, de nombreux recours dits “abusifs”, ou “malveillants”, sont déposés chaque année devant le juge administratif contre des permis de construire, dans l’unique but de monnayer le retrait du recours. La somme peut alors atteindre des montants très importants : plusieurs dizaines, voire centaines de milliers d’euros en fonction des enjeux du projet et de la “gourmandise” du demandeur. Il fallait mettre un terme à ces manœuvres abusives et dans le même temps que les recours légitimes contre les gros permis de construire, qui permettraient la réalisation de logements, soient jugés plus vite. Aujourd’hui, les délais de traitement des contentieux sont trop longs et pénalisent les constructeurs aussi bien sur le délai d’achèvement des travaux que sur la pérennité du mode de financements. Objectif : diviser par deux les délais de traitement des contentieux
Un groupe de travail présidé par Daniel Labetoulle, ancien président de section au Conseil d’État, est chargé d’expertiser ce sujet. Les conclusions de ces travaux sont attendues d’ici la fin du mois d’avril et pourront être transcrites par voie d’ordonnance.
Dans les zones denses, des documents d’urbanisme anciens et parfois inutilement restrictifs constituent bien souvent des obstacles au développement de l’offre de logements. Se trouvent ainsi inexploités des gisements fonciers, immédiatement mobilisables pour le logement à moindre coût et situés dans des secteurs déjà équipés, urbanisés et desservis par les réseaux de transports.
Pour faciliter la construction de logements là où sont les besoins, et donc densifier la ville et lutter contre l’étalement urbain, plusieurs dérogations aux règles d’urbanisme seront prises par voie d’ordonnance et permettront de faciliter :
- la construction sur les « dents creuses », ces immeubles qui ne comportent qu’un ou deux étages et sont insérés entre des bâtiments plus hauts ;
- la possibilité de surélever les immeubles de logements (Ile-de-France) ;
- la transformation des immeubles de bureaux en logements (Ile-de-France).
De même, les obligations de stationnement fixées aux constructeurs ne pourront pas être supérieures à une place de parking par logement dès lors que leur projet de construction est prévu à proximité d’une gare ou d’une station de transport collectif.
Transformer les bureaux vacants en logements
Alors qu’on manque de logements, plus de 2,5 millions de m² de bureaux sont vacants en Île-de-France (dont au moins 500 000 m² le sont depuis 4 ans et plus). Pour faciliter la conversion d’immeubles de bureaux en logements, il sera désormais possible de déroger aux règles de constructibilité fixées par les PLU.
Afin d’assurer annuellement la production de 150 000 logements sociaux et la rénovation énergétique de 120 000 logements sociaux, l’État et l’union sociale pour l’habitat (USH) vont conclure un pacte d’ici la fin du premier semestre 2013. Ce pacte vise à établir de façon cohérente des objectifs ambitieux partagés et les moyens que l’État et les organismes de logement social se donnent pour les atteindre.
Impact sur l’emploi : d’ici à 2017, la production passera de 100 000 à 150 000 logements sociaux par an. Ces 50 000 logements supplémentaires représentent plusieurs dizaines de milliers d’emplois.
Les moyens déployés par l’État qui s’engage à :
- maintenir un niveau d’aides à la pierre suffisant pour permettre le financement des 150 000 logements sociaux annuels ;
- appliquer, pour cela, à compter du 1er janvier 2014, un taux de TVA réduit de 5 % à la production de logements sociaux ;
- permettre le prêt par Action Logement auprès des fonds d’épargne d’1 milliard d’euros par an sur trois ans.
Impact de la TVA à 5 % dès 2014 : création de 45 000 emplois et réalisation de 22 500 logements sociaux supplémentaires.
Les engagements des bailleurs sociaux qui, de leur côté, s’engagent à :
- réaliser leur part de production des 150 000 logements sociaux annuels ;
- mettre en place, pour cela, une mutualisation d’une part de leurs capacités de financement – il s’agit de la “mutualisation de leurs fonds propres”, un système de péréquation visant à soutenir l’effort de construction dans des zones où il est nécessaire de construire davantage ;
- répondre au défi de la transition écologique, notamment par la rénovation énergétique des logements (objectif : 120 000 logements rénovés par an) ;
Instaurer un moratoire de deux ans sur l’instauration de nouvelles normes techniques va permettre de donner aux acteurs la stabilité juridique dont ils ont besoin pour construire plus vite.
Parallèlement, une évaluation globale des normes existantes de construction est en cours. Il ne s’agira pas de déréglementer mais de se passer des normes présentant le rapport coût/efficacité le moins probant.
Il s’agira également de réformer certaines réglementations aujourd’hui rédigées avec des objectifs de moyens et non avec des objectifs de résultats, ce qui limite les possibilités de créativité et d’innovation des acteurs du bâtiment.
Instaurer un moratoire de 2 ans sur l’instauration de nouvelles normes techniques va permettre de donner aux acteurs la stabilité juridique dont ils ont besoin pour construire plus vite.
Seront considérées comme dérogatoires à ce moratoire les décisions visant à simplifier les normes existantes et la transposition de directives européennes.
Réviser les normes existantes : s’agissant du “stock” de normes existantes, une évaluation globale des normes de construction est en cours. Il ne s’agira pas de déréglementer mais de se passer des normes présentant le rapport coût/efficacité le moins probant. Il s’agira également de réformer certaines réglementations aujourd’hui rédigées avec des objectifs de moyens et non avec des objectifs de résultats, ce qui limite les possibilités de créativité et d’innovation des acteurs du bâtiment.
Réduire les coûts de production : dans la continuité de l’étude en cours sur les gisements d’économie sur les coûts de construction, un appel à projet permettra aux producteurs de logements de proposer des pistes d’adaptation des exigences réglementaires dans le but de construire à moindre coût.
Les pistes d’adaptation proposées pourront se traduire par :
- le passage d’une logique de moyens à une logique de performance, grâce notamment à des solutions innovantes, pour les réglementations rédigées avec des objectifs de moyens ;
- des modèles d’organisation novateurs, tels que la mise en place d’une concertation de tous les acteurs inspirée de l’urbanisme de projet afin de répondre à un objectif commun, dans le cadre d’un contrat de projet global.
Le plan de rénovation énergétique des logements met en œuvre l’engagement du président de la République de rénover 500 000 logements par an d’ici à 2017, afin d’atteindre une diminution de 38 % des consommations d’énergie à 2020.
Cet objectif répond à une triple ambition : il s’agit d’une nécessité environnementale (lutter contre le dérèglement climatique) et sociale (lutter contre la précarité énergétique) mais aussi d’un levier de sortie de crise.
La loi de programmation du Grenelle de 2009 fixait comme objectif la rénovation complète de 400 000 logements chaque année à compter de 2013. Aujourd’hui, seuls quelque 120 000 logements privés et 25 000 logements sociaux sont rénovés chaque année.
Aujourd’hui, dans le secteur du bâtiment, un certain nombre d’entreprises, dont les sièges sont souvent à l’étranger, font une concurrence déloyale aux autres entreprises du secteur.
Ces entreprises pratiquent des prix hors taxe particulièrement bas car elles gardent pour elles-mêmes la TVA qu’elles facturent à leur donneur d’ordre, au lieu de la reverser au Trésor public. Elles conservent en réalité pour elles-mêmes le prix TTC, ce qui leur permet de “casser” le prix hors taxe, par rapport à leurs concurrents.
Outre la concurrence déloyale qui en résulte, ces pratiques engendrent un manque à gagner de plusieurs dizaines de millions d’euros pour l’État, chaque année.
Le recours au mécanisme d’auto liquidation : comme le droit communautaire le permet, pour mettre fin à ces pratiques, le gouvernement va donc instaurer l’“auto liquidation de la TVA” pour les travaux immobiliers (de construction, de réparation, de nettoyage, d’entretien, de transformation et de démolition) réalisés par une entreprise sous-traitante au profit de son donneur d’ordre.
Concrètement, cela signifie que le sous-traitant ne sera plus autorisé à facturer de la TVA à son donneur d’ordre. C’est ce dernier qui, sur sa propre déclaration de TVA, mentionnera la TVA due au titre des travaux qu’il a consommés. Cela empêchera les sous-traitants indélicats de détourner à leur profit la TVA facturée.
Cette évolution du droit, qui fait encore l’objet de concertations avec les professionnels, sera inscrite dans le projet de loi de finances pour 2014.
Pour simplifier les démarches des particuliers et permettre à chaque ménage de bénéficier des aides auxquelles il peut prétendre, un “guichet unique” sera opérationnel sur tout le territoire d’ici à l’été 2013 et offrira un véritable service public de la rénovation énergétique (mesure n°16). De plus, 1 000 ambassadeurs de la rénovation énergétique iront à la rencontre des ménages en situation de précarité énergétique pour leur proposer les aides et les programmes auxquels ils ont droit (mesure n°17)
Pour financer les travaux (mesures n°18 et 19), concernant le logement privé, les dispositifs de financement existants – crédit d’impôt développement durable (CIDD) et éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) – seront optimisés pour favoriser les rénovations lourdes. Le programme d’investissement d’avenir (PIA) sera mobilisé massivement au service de ceux qui en ont le plus besoin.
Les moyens de l’Anah pour lutter contre la précarité énergétique, renforcés, s’adosseront ainsi à une prime complémentaire majorée.
Une prime exceptionnelle de 1 350 € sera attribuée en plus pendant 2 ans aux ménages qui en ont le plus besoin (revenus annuels maximum : 35 000 € pour un couple).
Une fois le plan amorcé sur 2013 et 2014, les tiers-financeurs viendront suppléer les subventions publiques à compter de 2015 pour atteindre, en vitesse de croisière, 380 000 rénovations lourdes chaque année dans l’habitat privé. En plus, 120 000 logements sociaux seront rénovés grâce à la diminution du taux de l’éco-PLS et l’ouverture à la rénovation des logements de classe D (mesure 19).
Objectifs dès 2014 : 270 000 logements rénovés, dont 180 000 logements privés (précaires et hors précaires) et 90 000 logements sociaux.
Enfin, pour développer la filière (mesure n°20), la rénovation énergétique des bâtiments concerne directement ou indirectement 75 000 emplois à préserver ou à créer. Le volume de rénovations prévu par le plan permettra aux professionnels d’optimiser les chantiers pour diminuer les coûts. Un groupe de travail interministériel permettra d’examiner les questions fiscales et comptables, de normes, de formation, de concurrence et de lutte contre le travail illégal.
- Poursuivre la formation continue des artisans (FEEBAT) et étudier l’ouverture à d’autres professions : pour garantir un résultat performant à la rénovation, la formation en grand nombre des professionnels de la filière est indispensable. Les outils de mesure de la performance seront développés et enseignés.
- Inciter à la montée en qualification des artisans : la certification “reconnu Grenelle de l’environnement” sera, à terme, indispensable pour bénéficier des aides (écoconditionnalité).
- Assister les banques dans l’instruction des éco-PTZ : le faible nombre d’éco-PTZ distribué s’explique en partie par l’incapacité des banques à instruire le volet technique du dossier de financement ; un tiers instructeur technique aura donc pour mission de les accompagner.
- Accompagner les professionnels pour maîtriser leurs coûts : l’augmentation massive du nombre de rénovations annuelles soutenue par ce plan doit permettre aux artisans d’acquérir une expérience favorable à la diminution de leurs coûts, et aux fournisseurs de bénéficier d’économies d’échelles réduisant leurs prix, dans une logique de pack travaux. Une concertation interministérielle approfondie et systématique autour des enjeux d’avenir va être mise en place avec les organisations professionnelles de la filière bâtiment.
- Fiabiliser et moderniser le diagnostic de performance énergétique.
Mise en œuvre : 27 mars 2013 installation du groupe interministériel d’accompagnement du bâtiment, avril 2013 signature de la convention FEEBAT et fin mai pacte avec les professionnels pour la maîtrise des coûts de rénovation.
Quels taux de TVA appliquent nos voisins européens ?
> Logements sociaux
Allemagne | Italie | Royaume-Uni | Belgique | Espagne | Pays-bas |
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19% | 4% | 20% | 12% | 4% | 21% |
Portugal | Danemark | Suède | Pologne | Autriche |
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Exonéré | 25% | 25% | 8% | 20% |
> Rénovation et réparation de logements privés
Allemagne | Italie | Royaume-Uni | Belgique | Espagne | Pays-bas |
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19% | 10% | 5% | 21% | 10% | 6% |
Portugal | Danemark | Suède | Pologne | Autriche |
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6 | 25% | 25% | 8% | 20% |