Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la Ville et du Logement, Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, et Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, ont présenté ce matin, à l’Agence parisienne du Climat, es actions pour renforcer la lutte contre la fraude, améliorer l’information des consommateurs et rétablir la confiance en matière de rénovation énergétique.
Trois grands thèmes ont été abordés par les ministres à l’occasion de ce déplacement :
• La rénovation énergétique, une priorité nationale où les cas de fraudes et d’abus pénalisent la filière ;
• Agir avec les professionnels : renforcer le label RGE et les contrôles pour améliorer la qualité de l’offre et valoriser les entreprises et artisans de qualité ;
• Agir auprès des particuliers : mieux informer et sensibiliser les consommateurs.
La rénovation énergétique, une priorité nationale où les cas de fraudes et d’abus pénalisent la filière
La rénovation énergétique est un pilier important de l’action gouvernementale pour engager le pays vers la neutralité carbone à l’horizon 2050. En effet, le secteur du bâtiment représente un quart de nos émissions de CO2 et les bénéfices de la rénovation énergétique sont multiples : protection de l’environnement, stimulation de l’emploi local, gains de qualité de vie et pouvoir d’achat.
Les marchés de la rénovation énergétique des bâtiments représentent un chiffre d’affaires d’environ 31 Md€ par an, et plus de 218 000 emplois (source : ADEME, 2017). Ce marché constitue une activité locale, associée à la fabrication des équipements, ainsi qu’à de nombreux emplois chez les professionnels et artisans de la filière, pour la distribution, la pose et l’installation des isolants et équipements dans des logements existants, et plus généralement l’ensemble des interventions liées à la rénovation énergétique.
Chaque année plus d’un million de ménages engagent des travaux de rénovation énergétique. Face à ce volume important de travaux et afin de préserver la confiance des Français dans les travaux de rénovation énergétique, il est nécessaire de s’assurer de leur qualité, en effectuant des contrôles réguliers.
Ainsi, la quasi-totalité des aides de l’État est désormais conditionnée au fait que l’entreprise qui réalise les travaux détienne le label « Reconnu Garant de l’Environnement » (RGE). Les organismes chargés de délivrer le label RGE réalisent déjà de nombreux contrôles sur des chantiers de travaux de rénovation : le principal organisme, Qualibat, a ainsi réalisé plus de 14 000 audits en 2019. L’Agence Nationale de l’Habitat (ANAH) du Ministère chargé de la Ville et du Logement a quant à elle réalisé en 2018 près de 12 000 contrôles de chantiers, qui représentent 10% des dossiers engagés auprès de l’agence. Ces contrôles ont été renforcés en 2019 avec l’arrivée des nouvelles offres à 1€ sur le marché. En outre, près de 10% des chantiers d’isolation des combles et des planchers bas réalisés par les entreprises signataires de la charte « Coup de Pouce Isolation » pour les ménages en situation de précarité énergétique font l’objet de contrôles aléatoires, mandatés par le pôle national des certificats d’économie d’énergie au sein du ministère de la transition écologique et solidaire. Ces nombreux contrôles ont révélé la bonne qualité des travaux réalisés par une grande majorité des entreprises : par exemple, sur l’ensemble des Certificats d’économies d’énergie (CEE) délivrés, le Ministère de la transition écologique et solidaire évalue à 97% les travaux réalisés de manière satisfaisante et conforme, ne recensant qu’environ 2% de cas de non-qualité et moins de 1% de cas de fraudes (au sens de travaux non faits). De même, en 2019, l’ANAH a identifié 90 entreprises en anomalies et saisit la justice à 4 reprises sur ses 12 000 contrôles. Dans tous ces cas, les particuliers sont accompagnés pour obtenir réparation. L’accompagnement des ménages par des professionnels de confiance dans ces travaux, permet de limiter les risques.
Ces cas conduisent à des condamnations régulières des entreprises concernées, qui sont rendues publiques.
Mais chaque cas de fraude est un cas de trop, qui nuit à la crédibilité de la vaste majorité de la filière qui travaille avec sérieux. Ces pratiques contestables s’étendent du démarchage agressif des consommateurs, par téléphone ou à domicile, aux pratiques commerciales trompeuses (fausses allégations sur la qualité des artisans ou sur les performances des travaux) en passant par l’usurpation des signes distinctifs des services publics et du label RGE.
1770 plaintes de consommateurs ont été recensées sur le secteur de la rénovation énergétique par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) entre août 2018 et août 2019. Ce chiffre est en hausse de plus de 20% par rapport à l’année précédente et touche plus particulièrement les bénéficiaires d’offres très incitatives avec des restes à charge très faibles (offres dites « à 1€ »), stimulées par les « Coups de Pouce Chauffage et Isolation » s’appuyant sur des Certificats d’économies d’énergie (CEE).
Sur l’ensemble de l’année 2018, la DGCCRF a été amenée à contrôler, notamment sur la base des plaintes des consommateurs, 469 établissements (entreprises du bâtiment, prestataires, démarcheurs, sous-traitants, artisans, associations, établissements de crédit, sociétés de domiciliation etc.). Dans plus de la moitié des cas, une anomalie a été relevée1, le plus souvent des pratiques commerciales trompeuses et un non-respect des règles en matière de vente hors établissement commercial ou d’information sur les prix et des conditions de vente. Ces anomalies ont donné lieu à 234 avertissements (mesures pédagogiques rappelant les dispositions en vigueur), 163 injonctions administratives, 180 procès-verbaux pénaux et 74 procès-verbaux administratifs. Dans le cas le plus grave, un fraudeur a été condamné à un an d’emprisonnement pour démarchage abusif, abus de confiance et pratique commerciale trompeuse.
Agir avec les professionnels : renforcer le label RGE et les contrôles pour améliorer la qualité de l’offre et valoriser les entreprises et artisans de qualité
Pour lutter contre ces pratiques frauduleuses ou abusives, le Gouvernement a décidé avec les professionnels, de renforcer le label RGE, qui conditionne l’accès aux aides nationales à la rénovation énergétique. Créé en 2011, ce label est détenu à l’heure actuelle par 57 000 entreprises sur l’ensemble du territoire. Dans le contexte décrit supra, il est apparu opportun d’en durcir le niveau d’exigence pour accroître la confiance dans le label et permettre aux entreprises vertueuses d’être mieux identifiées et reconnues. Dans les conditions actuelles, la qualité des travaux réalisés par les entreprises labellisées « RGE » est contrôlée une fois tous les 4 ans, sur un chantier choisi par l’entreprise. A l’issue du contrôle, en cas de non-respect des clauses commerciales ou de démarchage abusif, la suspension de la détention du label RGE peut être envisagée.
Il a donc été décidé que la sélection des chantiers contrôlés serait dorénavant faite de façon aléatoire par l’organisme de qualification. De plus, certains contrôles liés au label seront eux aussi renforcés. Plus précisément, 6 domaines de travaux dits « critiques », c’est-à-dire particulièrement à risques, ont été identifiés (isolation des combles perdus ou changement de chaudière par exemple), en raison de la technicité des gestes ou du volume de ces gestes. Pour ces domaines « critiques », le nombre d’audits est augmenté : une entreprise avec au moins un domaine critique sera soumise par période de 4 ans à deux audits pour son premier domaine critique et à un audit par domaine critique supplémentaire.
Enfin, les sanctions des entreprises en faute ont été revues. Des contrôles supplémentaires seront automatiquement déclenchés en cas de non-conformité majeure. L’organisme de qualification pourra aussi conditionner la qualification « RGE » à un complément de formation. La réforme introduit enfin la possibilité pour l’organisme de qualification de réaliser des contrôles supplémentaires en fonction des signalements parvenus ou d’une présomption de fraude ou de pratiques abusives.
L’entrée en vigueur de ces évolutions est prévue au premier semestre 2020. Elles sont le fruit d’une concertation menée sous l’égide d’Alain Maugard, co-animateur du plan de rénovation énergétique des bâtiments, lancée en avril 2019 avec les acteurs de la filière : professionnels du bâtiment, organismes de qualification, associations de consommateurs, etc. Par ailleurs, ces mêmes acteurs travaillent à l’élaboration de fiches pratiques permettant aux particuliers de vérifier de manière simple, à l’aide d’une checklist, les points visibles de la qualité des travaux effectués, lors de leur réception. De premières checklists pour les principaux domaines de travaux seront élaborées et diffusées dès le printemps 2020.
Des réflexions sur les évolutions complémentaires dont le label RGE pourrait faire l’objet vont être lancées début 2020. La possibilité de labelliser des travaux « accompagnés » répondant aux exigences RGE sera par exemple étudiée et expérimentée, tout comme l’hypothèse d’un engagement à renoncer à tout démarchage téléphonique ou à domicile pour les entreprises RGE.
Agir auprès des particuliers : mieux informer et sensibiliser les consommateurs
Afin d’informer davantage les consommateurs sur les bons réflexes à adopter lorsqu’ils font faire des travaux dans leur logement, une campagne de communication grand public va être lancée. Menée par la DGCCRF, elle sera relayée par tous les acteurs publics concernés.
On peut identifier 4 grands types de situations :
En cas de démarchage par téléphone ou à domicile
• Être particulièrement vigilant. Les services publics ne démarchent jamais. Aucun opérateur de rénovation énergétique ne peut donc se prévaloir du fait qu’il serait « mandaté » par l’Etat comme c’est parfois le cas.
• Ne pas se précipiter et prendre le temps de comparer le devis avec d’autres offres.
• Ne rien signer le jour même et faire attention à la date du document signé pour pouvoir bénéficier du délai légal de rétractation de 14 jours.
Avant de se lancer dans des travaux
• Contacter un conseiller FAIRE au 0 808 800 700 ou sur le site Internet faire.fr en cas de doutes ou de questions.
• Vérifier les qualifications professionnelles (label RGE) de l’entreprise choisie, ainsi que sa fiabilité, en cherchant des informations sur son ancienneté, sa notoriété, etc.
• Examiner la qualité des sites Internet ou de la documentation fournie et la lire avec attention préalablement à la signature.
En cas de financement des travaux par un prêt
• Prendre connaissance attentivement de l’exemplaire papier de l’offre de crédit qui doit obligatoirement être remis par l’organisme bancaire.
• Être vigilant en cas de remboursement différé des premières mensualités. De telles modalités peuvent contribuer à augmenter significativement le coût total du prêt.
• Être vigilant à l’attestation de fin de travaux, qui confirme la conformité de la prestation rendue et marque le début des obligations de remboursement.
En cas de travaux ne s’étant pas déroulés comme prévu
• Faire une réclamation via le formulaire présent sur le site internet de FAIRE.fr pour des travaux réalisés par une entreprise RGE
• Saisir le médiateur de la consommation choisi par le professionnel en cas de litige. Ses coordonnées doivent être présentes sur les documents contractuels. La procédure est gratuite.
• Se faire assister par une association agréée de protection des consommateurs en cas de besoin.
• Signaler les manquements d’un professionnel en contactant la DD(CS)PP du département et assigner le professionnel devant le juge civil pour tout contentieux lié à l'exécution du contrat.
Et la suite…
Des travaux sont en cours pour compléter ces mesures et renforcer encore la confiance des Français dans leurs parcours de rénovation énergétique, afin de conforter la réussite de cette politique prioritaire.
D’ores et déjà, la DGCCRF a lancé fin octobre une action de contrôle renforcée et coordonnée sur tout le territoire national. La lutte contre les fraudes à la rénovation énergétique sera l’une des priorités de la DGCCRF en 2020. Par ailleurs la DGCCRF généralisera le recours au « name and shame » pour les entreprises ne respectant pas la réglementation en matière de rénovation énergétique.
Plus largement, l’ensemble des acteurs est mobilisé pour faire de nouvelles propositions, autour notamment d’un renforcement de l’encadrement ou de l’interdiction du démarchage téléphonique ou de l’efficacité du traitement des fraudes et abus, ce qui suppose de partager davantage les données et signalements entre les différentes parties prenantes (espaces FAIRE, administrations, organismes de certifications, professionnels, obligés et délégataires CEE, etc.), de mieux traiter ces données (automatisation, etc.) et de mieux coordonner les sanctions le cas échéant.
Des mesures complémentaires pourront donc faire l’objet d’annonces au premier trimestre 2020.