Pourquoi ce titre “Un migrant est un menuisier comme les autres…” ? Tout simplement parce que dans une usine on est ouvrier avant d’être syrien, sur un chantier on est poseur avant d’être Érythréen. Dans le passé on ne se posait pas la question, sur un chantier, de savoir si un maçon était portugais ou italien, on se posait uniquement la question de savoir s’il savait monter un mur correctement ou pas.
Loin de moi l’idée d’ouvrir en grand les frontières, mais il y a sur notre sol des hommes qui sont arrivés pour fuir au mieux la misère au pire la guerre. Ils sont là, pourquoi ne pas leur donner cette opportunité que l’on a donnée, depuis plus de 100 ans, à celles et ceux qui sont venus en France et s’y sont intégrés ? Je ne suis ni naïf ni idéaliste, on sait bien que l’intégration par le travail ne fonctionne pas à 100 % et je suis pour une politique humaine, efficace, sévère et sans concession en matière de politique migratoire. Mais, à l’heure où nos entreprises trouvent très difficilement une main-d’œuvre qu’elles sont pourtant prêtes à rémunérer plus que correctement, l’idée de faire appel à des migrants, leur enseigner notre langue tout en leur apprenant un métier, les embaucher et en faire des Français comme vous et moi, n’est pas une position idéologique mais peut-être tout simplement du pragmatisme. Pourquoi, actuellement les migrants risquent-ils leur vie pour rejoindre l’Angleterre à tout prix alors qu’il est impossible pour eux d’y être officiellement embauchés et déclarés ? Tout simplement parce qu’une hypocrisie générale laisse diffuser le message qu’il est extrêmement aisé de trouver un job au noir au Royaume Uni grâce à des circuits efficaces et structurés (qui arrangent peut-être tout le monde).
Dans une usine on est opérateur avant d’être Syrien, sur un chantier on est poseur avant d’être Érythréen
Donc, tous les migrants débarquant en Europe ne rêvent que d’aller travailler clandestinement au Royaume Uni. Mais si, en chemin ils trouvaient des menuiseries françaises qui les forment, leur proposent des postes qui leur permettraient de s’intégrer durablement dans notre société, ne pensez-vous pas qu’ils prendraient le risque de s’embarquer sur des zodiacs et traverser la Manche, voire d’y périr ? Le migrant serait donc alors un menuisier comme les autres et ce menuisier deviendrait à coup sûr un Français… et ne serait plus un migrant comme les autres.
Cet éditorial est dédié à Guiseppe Taddeï, mon arrière-grand-père, qui a traversé les Alpes à pied en 1905 et à qui, sur un chantier à Limoges, on a dit : « tu sais maçonner les briques réfractaires ? Alors tu es embauché pour construire une usine de porcelaine ». On ne lui a pas demandé d’orthographier son prénom ni pourquoi il avait un tréma dans son nom ! Il travaillait bien et c’est tout ce qui comptait et c’est tout ce qui devrait compter finalement.
Peut-être que dans trois générations (probablement moins), le descendant de l’opérateur irakien embauché aujourd’hui chez un important menuisier de l’ouest de la France, rédigera-t-il cet éditorial à ma place ? Un descendant de migrant : un journaliste comme les autres, non ?